L’INCENDIE DE L’OPÉRA EN 1781

ET LES TABLEAUX DE HUBERT ROBERT

ans la soirée du vendredi 8 juin 1781,
l’Académie royale de musique1 avait
donné Orphée de M. le chevalier Gluck
avec un acte de MM. Rey, Apollon et
Coronis. On allait alors au théâtre
avant de souper. Vers huit heures et
demie, les spectateurs étaient sortis2, et
il ne restait plus que des acteurs ou des
figurants, particulièrement ceux du
dernier ballet d’Orphée, occupés à se
déshabiller dans leurs loges. A ce moment, le directeur Dauvergne
fut prévenu qu’une toile du cintre, de celles qu’on appelle frises,
avait pris feu. Tout d’abord cet accident lui parut sans gravité. 11
demanda de l’eau, mais l’eau manquait. Il cria de couper les cordes
auxquelles la toile était suspendue; un ouvrier qui s’efforça de le
faire n’y réussit malheureusement que d’un côté. La toile alors
tomba verticalement, et la flamme ayant ainsi plus d’aliment se
communiqua aux autres toiles, au char de l’Amour resté en l’air,
à tout le fond du théâtre. En quelques minutes la salle fut embrasée.
Ceux qui travaillaient à étouffer l’incendie durent prendre la fuite.
Vers neuf heures et demie, les pompiers arrivèrent, mais, la char-
pente de l’édifice s’étant effondrée, ils ne pouvaient plus songer qu’à
faire la part du feu.

1. L’Opéra était alors enclavé dans les bâtiments du Palais-Royal. Il s’élevait
à peu près à l’angle de ta rue de Valois actuelle et de la rue Saint-Honoré. Cet
édifice, incendié une première fois en 1763, avait été reconstruit et livré au public
en 1770.

2. Après discussion des documents, M. René Farge, dans son excellente et
consciencieuse étude sur l'Incendie de l’Opéra en 1781 (,Bulletin de la Société
d’iconographie parisienne, année 1908), fait commencer l’incendie à huit heures
et quart.